mardi 15 mai 2012

Lili bouquine : Rani de Jean Van Hamme

Titre en VO : Rani
Editeurs : Michel Lafon
Site de l’auteur :
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Ma note : 5/10
Quatrième de couverture : 1743. Amoureuse d’un bel officier anglais, une jeune noble française, Jolanne de Valcourt, abominablement trahie par son demi-frère Philippe, est accusée à tort de meurtre et de trahison. Après avoir été marquée au fer rouge de la fleur de lys, elle est condamnée à la déportation en Inde. Prostituée de force dans un bordel du comptoir de Mahé, Jolanne parvient néanmoins à s’évader. Elle manque de périr dans un naufrage mais est recueillie dans un village de pauvres pêcheurs indiens. Elle atteint finalement Pondichéry où elle se met sous la protection de la « princesse » Jeanne, la très charismatique épouse de Joseph-François Dupleix, gouverneur des cinq comptoirs français. Jusqu’au jour où Jolanne rencontre le séduisant Mishra Din Aktar, prince héritier et futur maharadjah de Chandrapur, qui fera d’elle sa troisième rani, sa troisième épouse... Au sein de ce palais doré, la jeune femme parviendra-t-elle à trouver sa place ? À surmonter la jalousie des autres épouses et, surtout, à oublier Craig, son bel officier anglais ?

MON AVIS SUR LE LIVRE


Jean Van Hamme, scénariste (BD et film), connu pour ses succès Largo Winch, XIII, Blake et Mortimer ou encore Thorgal, nous offre ici l’histoire de Rani, préalablement destinée à la télévision (série en huit épisodes diffusée sur France 2) puis adaptée en BD (les 2 premiers tomes sont déjà parus aux Editions Le Lombard) ainsi qu’en roman. C’est du roman dont je vais vous parler aujourd’hui. Une œuvre de 439 pages qui rentrasse le parcours époustouflant de la jeune Jolanne de Valcourt en quête de justice. La jeune française, fille morganatique d’un Marquis périgourdin, est abominablement trahie par son demi-frère, Philippe, et accusée des crimes qu’il a lui même commis.

Jolanne de Valcourt est une jeune femme passionnée, tant sur le plan physique qu’intellectuel. Elle déborde de vitalité et n’a jamais froid aux yeux. C’est une figure forte, elle se détache sur un fond social strict qui voulait que les femmes demeurent soumises aux hommes. Jolanne, elle, est une femme libre et revendique fougueusement ce statut tout au long de son aventure. Qu’elle soit enrôlée dans une troupe de brigands, ou bien prostituée dans une maison de plaisir à Mahé, ou encore rani de Sandrapur, la jeune française garde sa force de caractère et son désir de liberté. C’est une battante, car elle n’aura de cesse que lorsqu’elle sera parvenue à prouver aux puissants qui la condamnent l’injustice dont elle est victime. Jolanne sait aussi se battre à l’épée, elle manie également l’arc avec beaucoup de finesse et monte à cheval comme un homme. En clair, une héroïne haute en couleurs comme on les aime.

Une aventure assez rythmée, et riche en rebondissements que nous sert là Jean Van Hamme. Les éléments s’enchaînent très rapidement, on pourrait d’ailleurs qualifier ce livre de page turner, un livre dont les pages se tournent presque d’elles-mêmes. Sur ce point là, il n’y a rien à redire, si ce n’est que certaines péripéties peuvent parfois nous paraître invraisemblables, mais comme le dit Van Hamme lui-même, cela fait partie de la fiction. Cela ajoute une part de rêve au récit, dans la mesure du raisonnable, bien sûr.

L’invraisemblance ne s’arrête d’ailleurs pas là, car Van Hamme choisit aussi de truffer ses méchants des pires défauts qu’on puisse imaginer, il pousse leurs personnages jusqu’au bout, ainsi ils sont exécrables au possible. Notamment Philippe de Valcourt qui n’a vraiment rien pour lui. Il est vaniteux, cupide, mauvais, malhonnête, menteur, perfide, méprisant, raciste, misogyne, violent…en clair tout ce qui fait un méchant digne de ce nom. Il n’y a aucune demi-mesure. Tout est noir ou tout est blanc, il n’y a pas d’entre deux chez Van Hamme. Et ce procédé peut être à double tranchant, car d’un côté, il nous rallie à la cause de Jolanne, son héroïne, on déteste avec elle son abominable demi-frère, et de l’autre, il tombe rapidement dans la caricature. Ici, malheureusement, s’il parvient à créer chez le lecteur une certaine animosité envers Philippe, il n’échappe cependant pas aux clichés. Dommage.

D’autant que le style qu’il emploie ici, étant beaucoup trop plat et dénué de la moindre émotion, nous empêche de créer de l’intimité avec son héroïne. Ainsi, son contraste entre Jolanne et son frère Philippe n’a pas l’effet escompté. La froideur de l’écriture de Van Hamme s’explique par le fait qu’il s’agisse ici de la retranscription d’un script au départ prévu pour la télévision, les dialogues sont repris mot pour mot et l’auteur ne s’attarde pas en longues descriptions, ce qui manque un peu parfois. De plus, et c’est voulu, la plume du scénariste est trop moderne pour l’époque, et pas seulement dans les dialogues. On ne se sent pas vraiment au XVIIIeme siècle, sans rendre pour autant les dialogues pompeux et utiliser l’imparfait du subjonctif, Van Hamme aurait pu un minimum adapter sa plume à l’époque de Rani, ne serait-ce que dans le récit du moins. Cela ôte, à mon sens, tout le charme de l’histoire.

Enfin, je m’interroge sur le choix du titre : Rani. Une rani est l’épouse d’un maharaja, et si, effectivement, Jolanne devient à un moment donné une rani dans cette histoire, ce n’est absolument pas le sujet de base du roman. C’est d’avantage le combat d’une femme, injustement accusée par son pays d’être une traître, doublée d’une meurtrière, plutôt que le destin d’une femme de maharaja. Une question qui, visiblement, demeurera sans réponse.

En clair, c’est un roman détente, sans prise de tête, mais qui manque cruellement de contenu, car en dehors des multiples rebondissements, des coups d’épée et autres pirouettes, l’auteur ne laisse pas passer beaucoup d’émotion dans son écriture et c’est bien dommage. Je conseille davantage la série télévisée, ou la BD, peut-être, plutôt que le livre, même si, toutefois, j’ai passé un bon moment avec ce roman.

ON ADORE : L’aventure de Jolanne et le rêve qu’elle engendre.
ON REGRETTE : La plume un peu froide de l’auteur, un manque de vraisemblance, une caricature, parfois trop poussée, des personnages.


6 commentaires:

  1. Je partage ton avis! SI le rythme est entraînant, j'ai eu beaucoup de mal avec le style, lourd et plat de l'auteur... Dommage!

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  2. Oui, c'est un peu dommage. Et puis ce qui m'a dérangé également et dont je n'ai pas parlé dans la chronique c'est le fait qu'il réutilise toujours les même expressions dans ses dialogues ou autre du genre "c'est mon demi-frère, mais déjà un demi de trop" Philippe utilise aussi la même réplique à un moment du livre, c'est dérangeant, je trouve :/

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  3. Je n'ai pas lu le livre mais ne suis pas étonnée du tout par le contenu de ta chronique. Van Hamme est pour moi avant tout un scénariste de BD. Or dans la BD, le scénariste ne dispose généralement que d'une cinquantaine de pages pour boucler une histoire. Il va donc à l'essentiel et inévitablement, le rythme est assez soutenu. De plus, en BD, dans une comme dans une série télévisée, le visuel est là pour créer l'atmosphère. J'ai l'impression, sur base de ta chronique, qu'il a rédigé son livre comme il écrit un scénario de BD : enchainement d'actions, rebondissements multiples, sans doute beaucoup de discours direct et nettement moins de "liant". J'espère que tes prochaines lecture seront moins décevantes.

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    1. Oui, c'est un peu ça. Je pense que ce livre n'avait pas lieu d'être, la BD aurait amplement suffit et donnée un meilleur rendu qui plus est :/

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  4. J'ai eu exactement la même opinion que toi ! Comme j'avais adoré la saga tv j'ai eu envie de lire le roman pour en apprendre davantage et au final, il n'apporte rien de plus..
    Pour répondre à ta question, je pense que le livre s'appelle "rani" parce que la période durant laquelle Jolanne est rani est assez importante et surtout symbolique.
    En effet, après avoir subi les pires choses et s'être battue, elle finit par atteindre "le sommet" et se sert de toute son expérience, de tout son vécu pour les mettre au service du bien. Et puis oui c'est une référence à l'Inde donc c'est plus attirant.
    Sinon moi aussi j'ai adoré Craig Walker et j'ai regretté que son personnage et son histoire d'amour avec Jolanne ne soient pas davantage développés à tel point que j'ai presque souhaité finalement que jolanne finisse avec son mari maharajah auaquel j'avais fini par m'attacher davantage..

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    1. Oui, je vois que nous avons le même avis, ou peu s'en faut, à propos du livre. C'est le risque avec les novelisations. En général ça manque de relief :/
      Pareil pour Craig, j'aurais aimé que la relation soit plus approfondie également. :)

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